À la fin du XVIIIe siècle, l'Afrique est un continent noble et sauvage. Entre Bamako et Tombouctou, Ségou est un royaume florissant; les Bambaras, polythéistes et animistes, un peuple invincible. Culte des ancêtres, sacrifices rituels, chants des griots. Tout semble immuable. Pourtant, de grands bouleversements se préparent. L'esclavage fait rage. Les Européens se prennent pour de grands civilisateurs. L'islam, d'abord considéré comme une culture exotique apportée par les caravanes, gagne du Terrain,<br />Le temps des malheurs commence. La famille de Dousika Traoé, noble bambara, sera la plus touchée. Quatre de ses fils seront jetés comme des fétus de paille dans la tourmente de l'Histoire et auront des destinées terribles.
Fille de l'esclave Abena violée par un marin anglais à bord d'un vaisseau négrier, Tituba, née à la Barbade, est initiée aux pouvoirs surnaturels par Man Yaya, guérisseuse et faiseuse de sorts. Son mariage avec John Indien l'entraîne à Boston, puis au village de Salem au service du pasteur Parris. C'est dans l'atmosphère hystérique de cette petite communauté puritaine qu'a lieu le célèbre procès des sorcières de Salem en 1692. Tituba est arrêtée, oubliée dans sa prison jusqu'à l'amnistie générale qui survient deux ans plus tard. Là s'arrête l'histoire. Maryse Condé la réhabilite, l'arrache à cet oubli auquel elle avait été condamnée et, pour finir, la ramène à son pays natal, la Barbade au temps des Nègres marrons et des premières révoltes d'esclaves.
Après Les Murailles de terre, nous découvrons dans La Terre en miettes le destin de la deuxième génération des Traoré, de la noble lignée des Bambara, bouleversée par le raz de marée islamiste animé par les Toucouleurs qui ont investi Ségou, en 1860. Une famille déchirée entre ses racines, l'Islam et bientôt le Catholicisme. La fatalité s'acharne sur un peuple et une culture, sans que la France du second Empire ne mesure la gravité des événements.<br />Cette geste, peuplée d'inoubliables figures de femmes, est tout à la fois un cri d'espoir, un chant d'agonie, un appel à la tolérance. Par sa puissance d'évocation, Ségou est à la mesure des terres du Sahel, une oeuvre portée par un souffle qui est la mémoire de l'Afrique, l'expression même de son âme.